Madame la Rectrice,

 

Neuf de nos collègues se sont donné la mort récemment. Neuf drames humains que personne n’a pu empêcher. Neuf drames successifs qui ont endeuillé des familles et bon nombre de collègues. Au-delà des alertes orales, dès le 17 octobre, la FSU vous alertait officiellement en CSA académique sur cette série préoccupante et révélatrice de la souffrance des personnels. Face à votre silence, les différentes organisations syndicales vous ont demandé, lors de la FS plénière du 26 novembre, la réunion d’une FS extraordinaire consacrée à la prévention du risque suicidaire. Vous aviez deux mois pour la convoquer, deux mois pendant lesquels aucune mesure n’a été prise et aucune alerte entendue, deux mois au cours desquels malheureusement d’autres collègues ont mis fin à leurs jours.

 

C’est finalement suite à la décision de la FSU de porter sur la place publique votre refus de vous saisir de ce sujet que vous avez exprimé vos regrets d’avoir tardé à réunir la FS. Toutefois, ces regrets ne peuvent dissimuler la façon dont vous avez essayé, depuis des mois et tout au long du week-end, de minimiser la réalité. Mais les faits sont têtus et les chiffres implacables : même si vous affirmez dans la presse ne recenser que 6 suicides, vous savez qu’ils sont au moins au nombre de 9, ces situations ayant fait l’objet d’échanges avec la FSU. Comment alors expliquer cette querelle de chiffres sordide à laquelle vous vous livrez comme si la communication pouvait suffire à effacer certains de ces événements dramatiques ? Comment pouvez-vous dans le même communiqué indiquer que « Lors de chacun de ces drames, les autorités académiques ont informé immédiatement les organisations représentatives du personnel » alors même que vous avez reconnu ignorer certains des décès sur lesquels nous vous alertions ? Comment pouvez-vous prétendre que « Chaque situation a fait l’objet d’un examen lors de l’instance départementale » alors que plusieurs suicides ou tentatives de suicide n’ont pas fait l’objet ni même été inscrits à l’ordre du jour de ces FS départementales ? Pire encore, comment pouvez-vous répondre que quatre enquêtes sont en cours, alors qu’une seule avait d’abord été acceptée par l’administration avant la concession d’une deuxième dans un premier temps refusée en instance ? Enfin, comment pouvez-vous affirmer que « cette instance peut décider d’ouvrir une enquête chaque fois qu’elle estime qu’une situation est liée à l’environnement professionnel de la victime » alors même que nous savons que des éléments dont vous disposiez n’ont pas été portés à la connaissance de l’instance ?

 

Au-delà de cette tentative indigne de garder la main sur la communication, qui témoigne que le « pas de vagues » a encore de beaux jours devant lui, la FSU prend néanmoins acte de votre intention affichée d’ « œuvrer sans relâche pour prévenir ces drames humains et de soutenir les membres de la communauté éducative ». Cela doit d’abord passer par un constat sincère et partagé des événements recensés, ainsi que par la mise en place, lorsque le drame arrive, d’une enquête FS dont l’unique but est d’analyser l’organisation du travail et de trouver des moyens de prévention pour éviter que de tels drames se reproduisent. C’est pourquoi nous vous réitérons notre demande non seulement que les deux enquêtes actées soient menées le plus rapidement possible, mais que trois autres soient ouvertes puisque selon nos informations, un lien avec le travail ne peut être exclu avant l’enquête. A cet égard, la réalisation d’une enquête étant une charge importante et requérant une forte mobilisation, il faudrait envisager que certaines enquêtes soient réparties entre le niveau départemental et le niveau académique.

 

« Œuvrer sans relâche pour prévenir ces drames humains et soutenir les membres de la communauté éducative » C’est bien cela qui nous réunit aujourd’hui, et la tâche est immense tant la souffrance des personnels est patente. Les réformes se succèdent et s’appliquent contre la profession, le management est de plus en plus brutal à tous les échelons, les conditions de travail sont quotidiennement dégradées, les moyens manquent cruellement sur le terrain… L’usure physique et l’exposition aux risques psycho-sociaux sont autant de facteurs qui fragilisent les personnels. Le registre SST est un outil massivement utilisé par les collègues dans notre Académie pour exprimer leur souffrance : il faut poursuivre le travail engagé pour en faire un outil au service des collègues, de leur santé et de la prévention des risques. Il est plus qu’urgent d’agir en prévention primaire et de détecter les signaux de fragilité ou de difficulté, pour pouvoir y répondre et accompagner les collègues avec bienveillance.

 

Cela ne peut passer que par le renforcement des services sociaux et de santé pour les personnels et par une véritable campagne d’information sur le risque suicidaire et une formation obligatoire des encadrants et responsables hiérarchiques à la conduite à tenir face à ces risques. Il convient aussi de mettre en place un vrai protocole pour accompagner immédiatement les établissements touchés par le décès d’un personnel – quelle qu’en soit la cause, c’est toujours une épreuve terrible pour les équipes. Des personnels formés et extérieurs à l’établissement doivent être mobilisés sur place pour accompagner les communautés éducatives.

 

Comme elle l’a toujours fait, et en dépit des pressions, la FSU continuera à lutter pour prévenir la souffrance des personnels et pour assurer à toutes et tous des conditions de travail dignes et décentes. Il n’est plus possible que le travail tue, et la FSU continuera à tout faire pour que le travail ne dégrade plus la santé des personnels.